Dans la famille des groupes maudits, les Hawaïens de Chokebore se placent en leaders incontestés. Originaire de Honolulu, le quatuor peut se targuer d'avoir dû affronter toutes les épreuves qu'une formation musicale puisse rencontrer. Son très justement nommé dernier album "It's a Miracle" témoigne à quel point c'est un exploit qu'il soit encore debout. Rencontre avec un éternel outsider.

Chokebore n'avait pas donne de signe de vie depuis un moment. Heureusement, les écorchés ont la peau dure et encore beaucoup de frustrations à évacuer. "It's a Miracle" est teinté d'une tristesse maladive qui ne peut laisser indifférent. Ni les anciens Nirvana, ni les Butthole Surfers, ni Girls Against Boys ne diront le contraire. Chaque album du groupe s'apparente à une cicatrice qui ne parviendrait pas à se refermer. "On a pris plus de temps pour écrire cet album", raconte le groupe autour de Troy Von Balthazar, son charismatique et souriant guitariste-chanteur. "On en a aussi profité pour concrétiser des projets personnels. J'ai travaillé en solo et composé des morceaux pour l'album de Melissa Auf Der Maur (ex-Hole et Smashing Pumpkins - ndr). Même si l'on est pas restés dans l'oeil du public, Chokebore évoluait." Le lien entre la France et Chokebore a toujours été solide. Aujourd'hui, "It's a Miracle" voit le jour grâce à Pale Blue, un label français fondé par le tourneur du groupe. L'Europe a toujours été plus accueillante pour Chokebore que son pays natal. "Dès notre première venue, on est tellement tombés sous le charme de ce continent que l'on a sans cesse cherché à y retourner. On y a plus joué qu'aux Etats-Unis. Les gens ici n'ont pas besoin d'entendre un groupe sur MTV avant de s'y intéresser." Le statut de Chokebore en France est quasi culte. Chaque tournée se déroule devant un public de fans transis. Il faut dire qu'à l'instar de Fugazi, Chokebore possède un style inimitable. "C'est un miracle que l'on joue encore ensemble après toutes ces années. Avec Chokebore, j'ai vraiment connu la misère et la faim. On évolue sur une île isolée. Ce qui est un atout en même temps qu'un handicap. Humainement, on se sent proches de Unwound, Girls Against Boys, Melissa Auf Der Maur mais on n'a jamais eu le sentiment de faire partie d'un scène." C'est justement cet état de solitude qui fait la beauté de la musique de Chokebore. Il serait temps qu'un plus grand nombre de gens en profitent avant qu'il ne soit trop tard.

Olivier Portnoi
Rock Sound #103
juin 2002