Certains disent "jamais deux sans trois" et ils font bien ce qu'ils veulent... Nous, pour l'occasion, on a préféré se dire "pourquoi pas une sans deux"... En effet, pour ceux qui auraient manqué le précédent numéro du zine, et bien le quatuor hawaïen était déjà au sommaire... Mais la tentation était si grande et ces gens si chaleureux, qu'il aurait été difficile de ne pas remettre ça avec Chokebore en ce mardi 30 avril, jour de leur premier concert de cette énième tournée... On retrouve Jon et Troy après le concert, ils semblent détendus, ils sourient, c'est parti...

Qu'a fait Chokebore ces dernières années, entre la fin de la tournée de "Black Black" et l'enregistrement de "It's a Miracle" ?

Nous avons écrit l'album, nous sommes allés au Japon et on a pas mal tourné aux Etats-Unis. Nous avons passé énormément de temps à écrire beaucoup, beaucoup de chansons, dont certaines figureront sûrement sur le prochain album. Beaucoup de musique en fait !

Après un album comme "Black Black", tragique au plus haut point et duquel se dégageaient des sentiments de frustration et presque d'autodestruction, certains pensaient que le retour de Chokebore était compromis. Avez-vous ressenti cela ? Et le titre du nouvel album a-t-il un rapport avec cette "théorie" ?

Oui, je pense... ce n'était pas vraiment conscient, mais... c'est vrai que j'ai été plutôt sombre pendant un temps, et je crois en fait que c'est une sorte de miracle que nous fassions et que nous ayons la musique dans nos vies. Nous ne nous sommes pas arrêtés... nous ne nous arrêtons jamais !

Ce qui nous a frappé à l'écoute de "It's a Miracle", c'est la production. Le son ne se rapproche pas de celui des précédents albums... Il semble que le tout sonne plus pop et plus "rond" qu'auparavant. Etait-ce une idée que vous aviez avant d'entrer en studio, ou au contraire, quelque chose qui s'est développé au fur et à mesure de l'enregistrement ?

Ca s'est développé durant l'enregistrement... Nous n'avions pas vraiment d'idées en tête, quant au son, avant d'entrer en studio. Nous nous sommes juste efforcés de faire de bonnes chansons. Tout ce qui sonnait bien pour nous, on l'a mis sur l'album. Mais nous n'avons pas essayé d'être plus pop... d'ailleurs, nous n'avons rien essayé de particulier, excepté de faire des chansons qui sonnent bien... C'est de cette façon que nous avons envisagé l'album. C'est un petit peu plus pop peut-être, mais je trouve ça cool !

Nous avons pu lire sur un site internet que l'enregistrement de l'album avait été un peu "fou". Pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui, c'était un peu fou ! Mais c'est toujours un peu dur de toutes façons... Oui, c'est dur d'enregistrer un album et de faire en sorte qu'il sonne bien. Car, dans ces moments-là, y'a toujours pas mal d'émotions, et pas mal de problèmes techniques également ! Il faut se donner à fond... toujours essayer et recommencer. Celui-ci était différent, et en même temps aussi difficile que les autres... mais on a l'habitude de penser que les difficultés qu'on peut rencontrer n'ont pas d'importance, que seul compte l'album et la façon dont il sonne à la fin... On est toujours assez déprimés pendant les enregistrements... on perd un peu les pédales car c'est une expérience vraiment bizarre ! Celui-ci s'est déroulé à Los Angeles de façon à ce que l'on puisse avoir du temps libre, retourner à la maison et se détendre quand nous en avions besoin... Nous avons appris qu'en fait il était mieux de faire comme ça plutôt que d'être 24 heures sur 24 dans le studio, à rester concentré, sans faire de break... nous avons fait beaucoup de pauses cette fois-ci... Mais peu importe, ce qui compte c'est comment sonne l'album et je crois qu'il sonne bien !...

Globalement, il se dégage de "It's a Miracle", une atmosphère beaucoup moins pesante et sombre sue sur "Black Black". Est-ce que quelque chose t'a fait envisager l'écriture sous un nouvel angle ?

La plupart du temps, les paroles reflètent la musique... Nous étions dans une période assez sombre lors de l'écriture de Black Black, mais nous avons eu beaucoup de temps pour y réfléchir, et je pense que cela a contribué à rendre cet album un peu moins sombre... et aussi parce que notre esprit est moins sombre. Tout ça, c'est juste en rapport avec la vie... Plus tu grandis et plus tu comprends les choses. Je me suis réveillé un matin et j'ai réalisé que je devais faire face à la réalité, au monde réel, au monde triste... au lieu de me réfugier en moi, dans mon propre monde. Ceci a changé beaucoup de choses pour moi. J'ai vraiment réalisé que c'était là, devant moi, et que je devais faire avec... et ça a influencé ma façon d'écrire. J'ai simplement grandi, probablement... Il y a plusieurs façons d'envisager les choses ; on peut être positif ou négatif... j'ai choisi d'être positif et je me sens beaucoup mieux.

"Ciao L.A." semble être dédiée à toute cette période Black Black... Et quand on t'entend chanter I won't stay in L.A. and die inside my car sur la chanson, on a l'impression que tu l'as écrite pour régler des comptes, remettre des choses à leur place. Est-ce le cas ?

Oui, c'est le cas. Cette chanson parle du fait de vivre à L.A.... je n'aime pas L.A. Il me fallait oblitérer tout cela, oublier le passé, les souvenirs et penser plutôt à l'avenir. J'ai donc dû repenser au fait de tourner, d'être dans ma maison à L.A., pour pouvoir oublier cette ville.

A propos de L.A. justement, est-ce si dur de vivre là-bas ?

Oui c'est dur... C'est une ville assez folle. Les gens sont toujours en "colère", jamais contents !... mais bon. C'est toujours intéressant d'essayer de vivre dans un tel lieu pour voir si on y arrive ! C'est une sorte de challenge. De toutes façons, je suis surtout chez moi à jouer de la guitare ou du piano, donc en fait, je pourrais vivre partout !

Une chanson comme "Ultra-Lite" nous ferait presque penser à la pop des Beatles... Aurait-il été envisageable pour Chokebore d'écrire une telle chanson il y a 4 ou 5 ans ?

Non, on n'aurait jamais pu mettre cette chanson sur album il y a quelques années ! Pour moi, ça ne sonne pas comme les Beatles. J'ai plus essayé de faire un truc à la David Bowie, ou en tout cas quelque chose qui soit aussi bon que ce qu'il a pu faire. J'aime beaucoup David Bowie... Quoi qu'il en soit, c'est une bonne chanson je trouve...

"Police" est une chanson très belle et touchante. De quoi parle-t-elle ? D'amour ?

Oui, mais pas vraiment vis à vis d'une personne ; plutôt l'amour en général... une espèce d'amour sombre... un amour atmosphérique...

Dans "I Love Waiting", tu exposes la façon dont tu vis en tant que musicien, et ta quasi symbiose avec la musique et le son... Il semble que tu te places ici dans une sorte d'état de passivité... est-ce faux ?

Je dirais que c'est plus sur le fait d'être en tournée... Parce qu'en tournée, on attend chaque jour pendant des heures ; on est sur la route dix heures durant, ensuite on attend dans la salle de concert et on joue pendant une heure, et après on attend pour aller dans un hôtel... tu vois, c'est de l'attente, beaucoup d'attente... pour une heure, l'heure où tu joues ta musique. Tu as donc intérêt à aimer ce que tu fais, ou à te convaincre que tu aimes ça... ou alors tu deviens fou ! Et dans le refrain, quand je dis It's like I swim in sound, ça reflète cette heure où nous sommes sur scène. C'est un très beau moment qui, pour moi, vaut toutes les attentes.

Les paroles de "I'll Save You" sont les seules à ne pas figurer dans le livret. Pour quelle raison ?

C'est parce que je n'étais pas prêt à exposer au public les mots de cette chanson... C'était vraiment personnel, trop personnel pour qu'ils soient imprimés dans le livret...

La pochette de l'album est très réussie... Toutes les images sont réalisées grâce à un simple trait sans fin... Etait-ce pour vous une façon de montrer qu'en modelant un détail ou un sentiment apparemment anodin, il est possible d'obtenir quelque chose de beau et plein de sens ?

C'est très perspicace, vraiment !

Jon : Cette pochette a été réalisée par un copain avec qui j'étais à l'école quand on faisait de l'art visuel ensemble. Maintenant il travaille en tant qu'artiste. Il a eu cette idée, nous l'a exposé et ça nous a semblé bien. Nous lui avons fait confiance. Il a bossé avec des images, des couleurs... il a assemblé tout ça et ça a donné la pochette !

Vous jouez une musique qui vient directement du cœur... Mais arrivez-vous à réaliser que vous touchez des gens avec cette musique ?

C'est quelque chose qui est très dur à comprendre. C'est bien si ça arrive ! Ca se produit pour nous et on espère aussi faire passer ce sentiment au public... mais c'est dur à comprendre...

"It's a Miracle" est la première production de Pale Blue Rds. Comment s'est passé le changement de label ?

Le mec qui s'occupe de Pale Blue travaille également avec nous en France. C'est un type sympa... On ne travaillait plus avec personne depuis deux ans... et puis ce gars a monté son label et c'était parfait pour nous. On savait qu'on pouvait lui faire confiance. Notre ancienne maison de disque a arrêté ses activités, celle-ci a commencé et voilà...

Pourrions-nous connaître ton interprétation de la phrase : Those who are closest don't see with their heartbeats, they see with their tongues...

C'est en rapport avec le fait d'être très proche avec les gens et d'avoir des relations sexuelles avec quelqu'un... ou d'y penser... d'essayer de comprendre ce que c'est exactement...

Melodick #3
été 2002