S'il est un groupe qui a passé le millénaire sans se soucier des tendances et des modes de plus en plus "univers sale", c'est bien Chokebore, quatuor hawaïen installé à L.A. qui distille ses mélodies aux quatre coins de la planète depuis 1993.

Resté plus ou moins dans le silence pendant quatre ans, le groupe revient à la charge dans son ancienne formation - Troy au chant et à la guitare, Frank à la basse, Christian à la batterie et Jon à la guitare -, avec un cinquième album plutôt étonnant. Désormais aguerri, Chokebore modifie légèrement la formule qui a fait sa personnalité, encore à l'antithèse totale de la joie mais certainement plus épanoui. De passage en Europe, mais peu habitués à jouer dans un magasin de disques, les musiciens que je retrouve lors de leur showcase chez Gibert Musique à Paris, coincés entre un poster d'Eminem et la dernière production de Lorie, sont toujours adorables et disponibles.

Vous êtes restés 4 ans sans faire d'album ! Qu'est-ce que vous avez fait pendant tout ce temps ?

Troy : On a fait différentes choses : on est allés au Japon, on a tourné aux Etats-Unis... On a fait beaucoup de musique et, surtout, on a écrit beaucoup de chansons supplémentaires pour cet album - des titres qu'on joue en live ou qu'on mettra sur des faces B. J'ai aussi pu réaliser mon side-project acoustique, qui s'appelle B. Balthazar.

Pourquoi avez-vous appelé votre album It's a Miracle ? Est-ce vraiment un miracle qu'il soit sorti ?

Christian (en rigolant) : Oui !

Troy : C'est surtout un miracle que la musique fasse encore partie de notre vie ! Nous aimons la musique, et nous essayons toujours d'en faire notre réalité.

On a pu constater une cassure dans votre évolution. Après Black Black, on pouvait s'attendre à un album des plus dépressifs. Mais It's a Miracle est plus mélancolique, plus posé... Comment l'expliquez-vous ?

Troy : Peut-être que nous nous sommes rendus compte de plusieurs choses, chacun de notre côté, après avoir été complètement noirs dans nos têtes. Heureusement - et c'était à espérer - on est sortis de ça. On a désormais les réponses à certaines des questions qu'on s'était posées avec Black Black. En tout cas, c'est ce qui s'est passé de mon côté et c'est ce qui transparaît dans mes paroles, et je pense que tous les autres seront d'accord avec moi.

Le son de cet album est plus propre et j'ai cru entendre un peu plus d'arrangements. Pourquoi ce changement dans vos méthodes de travail ?

Jon : On a surtout eu plus de temps pour enregistrer et j'ai pu me faire plaisir sur les parties de guitare. On a enregistré sur trois mois environ, mais avec des jours "on" et des jours "off", donc au total je ne sais pas vraiment ce que ça représente. C'était vraiment un emploi du temps étrange. Mais c'est vrai qu'il y a une énorme différence entre celui-ci et le premier, dont on avait enregistré et mixé les 14 titres en 6 jours !

Comment pouvez-vous expliquer que vous ayez autant de fans en Europe ?

Jon : Je ne sais pas. C'est vrai que dès qu'on a eu l'occasion de tourner ici, on est venus. Et on a fait ça quasiment avec tous les albums. On adore vraiment ça. A chaque fois, on a passé de plus en plus de temps ici, voire parfois plus qu'aux Etats-Unis. Donc, dans un sens, ça semble plutôt naturel...

Christian, il semble que ce soit un nouveau départ pour toi. Tu avais disparu sur Black Black et tu réapparais subitement sur It's a Miracle. Pourquoi étais-tu parti et pourquoi es-tu revenu ?

Christian : Euh... Pourquoi est-ce que Mike (le batteur sur l'album précédent, ndlr) a quitté le groupe ?

Jon (lui répondant) : Mike a quitté le groupe pour les mêmes raisons que toi. Je crois qu'il est parti parce qu'au moment où il était dans Chokebore, la période Black Black en l'occurence, tout était vraiment écrasant : c'était dur d'avoir une vie privée, c'était dur de faire quelque chose d'autre... Et je crois qu'il a juste voulu essayer autre chose ; il avait certains projets qu'il voulait réaliser, donc il est parti. Avec Christian, nous étions restés de très bons amis et on l'a appelé pour savoir s'il voulait revenir. C'était aussi moins douloureux de prendre quelqu'un qui connaissait déjà le groupe.

Christian : Mais je ne suis pas resté inactif pendant le Black Black tour ! Je me suis concentré sur des projets personnels : Bis Ende, dans lequel je travaillais avec l'ancienne chanteuse de Christian Death, Gitane Demone ; on a enregistré quelques titres. J'ai aussi collaboré avec d'autres groupes, même à l'époque où je jouais déjà dans Chokebore (période A Taste for Bitters, ndlr).

Troy, j'ai l'impression que tu n'arrives pas à rester très longtemps avec les filles. Tu racontes toujours des histoires sordides, de rupture, de tromperie... C'est quoi ton problème ?

Troy, en rigolant : Non, en fait je reste plutôt longtemps avec les filles, mais j'ai, semble-t-il, une grosse imagination. Pour la plupart des paroles, j'imagine les choses, je les rêve. La plupart du temps, ce que j'écris n'est jamais arrivé. En venant en Europe, j'étais assis dans l'avion, je regardais une fille magnifique et je me suis mis à écrire des textes en pensant à elle, alors que je ne lui avais même pas parlé. C'est plutôt une histoire de symboles. Mais sur le moment, c'était assez intense.

Christian : Ca m'est arrivé, l'autre jour, en regardant une petite blonde, française en plus. Elle m'a... brrr (il frissonne).

C'est ce qui s'appelle Sex, Drugs & Rock n'Roll, non ?

Troy : No, just sex, man.

Menteur !

Guillaume Trouvé
Fanfare #15
juillet 2002