Chokebore : Aloha from Hawaï

SeB a profité de la date à Toulouse des Chokebore pour poser ses quelques questions à son groupe hawaïen préféré ! C'est donc avec gentillesse que Troy (chant /guitare) et Jonathan K. (guitare) ont voulus répondre à ses questions au sujet de ce nouvel album (qui n'arrête pas de tourner sur notre chaîne) "It's a Miracle" !

>> Merci à Joyce de Chronowax et Troy & Jonathan des Chokebore <<

Il y a 4 ans que l'on avait plus entendu de vos nouvelles, pas de tournées, pas d'albums. Que s'est il passé pendant tout ce temps ?

Troy : Nous avons tourné au Japon et aux Etats-Unis. Nous avons écrit de nouvelles chansons dont beaucoup sont encore inédites et fait un petit break car nous avons tellement tourné, ça a été très bon d'avoir du temps pour se reposer.

Durant la dernière décennie, Chokebore a changé, après des débuts rageurs sur "Motionless" et "Anything Near Water" vos disques sont devenus de plus en plus mélancoliques, pourquoi ?

Jonathan : Je ne sais pas si nous savons pourquoi il y a eu de plus de plus de mélancolie. Je crois que simplement nous aimons vraiment cette atmosphère. Nous n'avons pas planifié cela quand nous avons commencé. Nous écrivons en essayant de ne pas nous répéter et de faire ce qui nous paraît intéressant. Pourquoi ? je crois que c'est parce que c'est ce nous aimons écrire et que nous aimons entendre.

C'est donc une évolution parfaitement naturelle ?

Jonathan : Oui, il n'y a jamais eu un moment où on s'est dit : "Hey devenons de plus en plus mélancoliques" c'est arrivé tout simplement.

Vous venez souvent tourner en Europe, vous avez enregistré "A Taste for Bitters" et "Black Black" en France, vous semblez apprécier notre continent plus que d'autres groupes américains et beaucoup de gens ici pensent que vous êtes le plus européen de tous les groupes américains. Qu'est ce que vous en pensez ?

Troy : C'est super tu sais. La première fois qu'on est venus nous avons tellement aimé, nous avons pris tellement de bon temps et on n'arrêtait pas de dire aux tourneurs : "on veut revenir, on jouera gratuitement c'est pas grave, faites nous revenir". On aime ça, c'est génial. C'est un vrai plaisir d'être ici, nous avons beaucoup d'amis ici. C'est plus intéressant.

Jonathan : Nous avons tourné en France avec d'autres groupes américains qui étaient toujours en train de dire quand ils venaient en Europe : "nous ne voulons pas être loin de chez nous trop longtemps, nous voulons juste venir ici pour la tournée et rentrer à la maison" et nous, nous étions complètement à l'opposé, nous disions : "Prenez nous le plus loin possible, amenez nous au bout de la Finlande, amenez nous où vous voulez car c'est super."

Troy : nous sommes restés 6 mois, 8 mois parfois aprés les tournée.

Vous aimez donc être en Europe ?

Troy et Jonathan : oui.

Jonathan : ah, si on pouvait ne pas avoir à repartir !

Contrairement à "Black Black" qui était plein de tension. "It's a Miracle" semble être plus serein. Est-ce que vous pensez que ce soit le cas ?

Troy : Oui.

Jonathan : Je dirais aussi que c'est le cas.

Troy : Nous avons beaucoup grandi ces dernières années. "Black Black" correspond à une période très sombre, c'est un album très noir. Depuis nous en avons appris un peu plus sur le fait de faire de la musique, ce qui nous rend plus sereins.

A propos du titre du nouvel album, est ce que c'est vraiment un miracle de pouvoir écouter Chokebore en 2002 ? ou ce titre n'a rien à voir avec la situation du groupe ces dernières années ?

Jonathan : Tu ne l'aime pas ce titre ? (rires)
Il n'avait pas vraiment ce sens pour nous et si c'est un miracle pour les gens personnellement je ne pense pas que ça en soit un.

Troy : C'est un miracle pour nous de continuer à faire de la musique après toutes ces années et d'être toujours aussi motivés.

L'Océan a été une de vos sources d'inspiration privilégiée par le passé, pour "Black Black" ça a été plutôt le monde urbain, qu'est ce qui vous a inspiré pour "It's a Miracle" ?

Troy : En ce qui me concerne c'est le fait d'être sans argent qui m'a inspiré, d'être affamé, d'avoir à vivre dans des villes complètement folles que je n'aimais pas, de mieux comprendre les gens et puis aussi d'avoir eu à passer des moments très durs.

Qu'est ce qui vous a encouragé à utiliser plus d'instruments acoustiques sur ce nouvel album ?

Troy : Beaucoup des nouvelles chansons ont été écrites sur des instruments acoustiques car nous aimons beaucoup ces sonorités.

Jonathan : Depuis longtemps nous écrivons des choses calmes.

Troy : Je sais personnellement que pour deux de nos albums j'étais obsédé par le souci de sonner dur quand une chanson est censée être une chanson rock, depuis des années on parlait de faire quelque chose de plus acoustique et là on s'est dit que c'était le bon moment et qu'on pouvait faire tout ce dont on avait envie.

Est ce que vous pouvez me parler un peu de "Ciao L.A.", elle est tellement différente des autres chansons qui figurent sur "It's a Miracle", elle est tellement plus pop.

Jonathan : je ne pense pas que nous voyons les choses comme ça, je suis d'accord avec toi sur le fait qu'elle est très différente dans sa construction mais je ne la trouve pas si pop que ça. Probablement dans le passé nous avons enregistré des chansons qui sonnaient peut être plus pop mais avec un côté très sombre quand même. Cette fois ci nous avons beaucoup plus travaillé les mélodies et les textes en essayant de créer quelque chose de différent, quelque chose avec moins de tension et moins d'agressivité.

Pourquoi n'avez vous pas enregistré ce nouvel album en Europe ?

Troy : parce qu'on a fait les deux derniers en Europe et nous avons pensé qu'il serait intéressant de faire le nouveau à L.A., nous habitons là bas et nous y avons un studio.

Jonathan : Les deux premiers albums ont tous les deux été enregistrés dans des villes différentes et nous avons toujours été intéressés par la possibilité de voyager et d'essayer de faire des choses différentes, ça n'a jamais été dans nos intentions de rester toujours dans les mêmes studios, c'est rafraîchissant d'enregistrer dans des villes différentes, dans différents studios . Nous n'avons pas la moindre idée de l'endroit où sera enregistré le prochain album, mais je suis sûr que ce sera dans un endroit nouveau.

Pensez vous comme beaucoup d'autres musiciens que les chansons les plus belles sont aussi les plus tristes ?

Troy et Jonathan : Oui.

Jonathan : C'est quelque chose de très spécial.

Chokebore est réputé pour ses concerts pleins de rage et d'énergie, pourquoi le groupe est il maintenant si différent sur scène et sur disque ?

Troy : C'est toujours ce que j'ai voulu faire, c'est des choses complètement séparées tu sais, ça apporte des sensations tellement différentes de jouer live et d'enregistrer, et on ne pourrait pas vivre sans ces deux aspects.

Jonathan : C'est bon d'avoir beaucoup d'énergie quand on joue en live, jouer live c'est donner de l'énergie, c'est une expérience très différente d'être assis dans un studio et d'enregistrer. Quand on est en studios on ne veut pas simplement dupliquer les chansons dans leurs versions live, nous voulons expérimenter essayer de travailler d'autres mélodies avec des textures différentes.

Est ce que vous pensez qu'un jour vous referez d'autres disques dans le style de "Motionless" ou "Anything Near Water" qui avaient un ton plus dur que celui que vous avez adopté pour "Black Black" ou "It's a Miracle" ?

Jonathan : Est ce que nous pensons que nous allons faire ça encore ?

Troy : Oui, je pense que oui.

Jonathan : Nous ne mettons pas de limites à ce que nous faisons, nous cherchons juste à faire les disques que nous voulons faire avec les chansons que nous voulons . Le but est juste d'essayer d'écrire de la bonne musique.

Troy (en plaisantant) : si cet album ne marche pas, le prochain sera sûrement plein de rage !

Si je vous dit que votre musique n'est pas faite uniquement pour les oreilles mais aussi pour les cœurs. Qu'en diriez vous ?

Jonathan : Je pense que c'est vrai, oui. Les choses ne devraient pas être que mentales ou que physiques, c'est beaucoup mieux de créer une ensorcelante confusion des deux.

Un ami à moi pense qu'il y a une certaine influence des Beatles et de John Lennon dans votre musique, pensez vous que ce soit le cas ?

Troy : Quand j'était plus jeune, j'ai passé pas mal de temps assis dans ma chambre à écouter John Lennon, l'album Plastic Ono Band juste après les Beatles, c'était un très bon album. Je ne pense pas qu'ils nous aient influencé, ils ont écrit de si bonnes chansons. Je ne pas qu'on puisse parler d'influence.

Jonathan : Oui, je joue un peu comme ça mais je n'ai jamais eu à jouer une de leurs chansons je crois même n'avoir jamais essayé, mais j'aime cette musique. Mais tu peux l'entendre dans les techniques d'enregistrement, dans les atmosphères ou les textes je ne pense pas que nous essayons de faire les choses comme quelqu'un d'autre.

Troy : Mais j'aimerais pouvoir écrire d'aussi bonnes chansons que les leurs, pas identiques aux leurs mais en tout cas aussi bonnes.

Qu'est ce que vous écoutez en ce moment ?

Jonathan : J'aime des choses calmes et ambients, comme les morceaux non agressifs d'Eric Satie ou les vieux Miles Davis qui étaient très longs, très dispersés et aussi très vilains comme ses enregistrements du début des années 70. J'aime aussi des trucs très variés et plus pop comme le nouveau Pulp. Je pense que des choses intéressantes peuvent être faites dans beaucoup de styles différents. J'aime les gens qui font de la bonne musique, des fois c'est des trucs que j'aimerais faire d'autres fois des choses que je ne ferais jamais, mais elles sont agréables à écouter.

Vous aimez la musique expérimentale ?

Jonathan : Oui j'aime bien.

Troy : Non je n'aime pas ça.

Jonathan : J'aime les choses expérimentales, mais la majorité des trucs expérimentaux que j'écoute ne sont pas agressifs. Personnellement je n'ai pas besoin d'écouter des trucs bruyants, je n'ai pas besoin de volume, je n'ai pas besoin de cacophonie. Tu peux faire des choses intéressantes et complexes avec des arrangements très simples.

Et à part la musique êtes vous intéressés par d'autres arts ?

Jonathan : Oui, j'ai étudié les arts pendant 5 ans. C'est quelque chose que j'ai beaucoup aimé. Quand j'ai du temps libre, je le passe à faire des oeuvres visuelles et à faire quelques expositions. J'aime vraiment beaucoup ça.

Troy : Je ne fais qu'écrire de la musique. Je ne veux qu'écrire de la musique.

Êtes vous toujours en contact avec des groupes qui comme vous étaient sur AmRep comme Guzzard ou Today Is The Day ?

Troy : Pas ces deux là.

Jonathan : On a croisé Guzzard et Today Is The Day il y a quelques années.

Troy : Nous avons revu The Cows, un sacré bon groupe...

Jonathan : The Cows, nous avons revu The Melvins, j'ai parlé avec le propriétaire d'AmRep quelques fois. La dernière fois que nous sommes allés dans le Minnesota nous sommes restés avec lui pour visiter. On en revoit quelques uns mais pas régulièrement.

Rétrospectivement que pensez vous de cette période passée chez AmRep ?

Troy : C'était génial, nous avons beaucoup travaillé et beaucoup tourné parce que tous les groupes qui étaient chez eux étaient tous de grands groupes de scène. Nous y avons appris ce mode de vie.

C'est très dur maintenant que le label n'existe plus de trouver les disques d'AmRep comme vos deux premiers albums...

Jonathan : On espère beaucoup pouvoir faire évoluer les choses...

Pensez vous que le "Clusterfuck Tour" de 1994 a été pour beaucoup dans votre succès français ?

Jonathan : Non.

Troy : Ça a été le début.

Jonathan : Oui c'est là que ça a commencé.

Troy : mais il y a eu quelques années où on n'avait personne en France.

Jonathan : Non, ça s'est construit doucement avec du temps et du travail.

Il semble que vous ayez plus de succès en Europe que dans votre propre pays. Pensez vous que les européens sont plus réceptifs à votre musique ?

Troy : C'est plus dur pour les américains de trouver de la musique et je pense que les européens sont plus réceptifs à la musique indépendante.

Jonathan : Ce qui n'est pas commercial n'existe pas. Je suis d'accord, ici culturellement vous êtes plus intéressés par les arts indépendants qu'aux Etats-Unis.

Peut être est ce parce qu'en Europe nous pensons que la musique est avant tout un art ?

Troy : Oui.

Jonathan : Oui, c'est quelque chose que nous ressentons comme cela aussi.

Seb
Adrenalyn.net
17 mai 2002